Les Quais, Bordeaux
« Les quais sont devenues les plus grand espace de sociabilité de la ville, un véritable espace public où se croisent les communautés sociales, ethniques ou professionnelles les plus variées, tout comme les regroupement de cyclistes, de rollers ou de coureurs à pied. On y vient flâner, pique-niquer, magasiner, faire du sport, se retrouver en famille ou entre amis. Quand aux automobilistes, ils empruntent dorénavant une véritable avenue urbaine«
« Les quais étaient alors inaccessibles et ponctuées de hangars entourés de grilles et de grands parkings à ciel ouvert; entre le pont de pierre et la gare, des entreprises barraient l’accès à la Garonne. Les quais coupaient la ville de son fleuve. Ils étaient dédiés au transit et au stationnement. Aujourd’hui, bon nombre de Bordelais on effacé de leurs souvenirs ces images d’un Bordeaux portant pas si loin.
Il n’était pas évident, alors, ce qu’il convenait de faire mais il n’était pas difficile de percevoir l’attente des Bordelais et les possibilités du site, sur plus de quatre kilomètres. […]
Alors seulement, nous avons lancé le concours d’aménagement en 1999 à la Communauté urbaine puisqu’il s’agissait, d’évidence, d’un projet d’agglomération.C’est le projet présente par Michel Corajoud, grand paysagiste français – Lauréat la même année du Grand Prix d’urbanisme – que m’avait le plus séduit et que nous avons retenu. Il a proposé un parti original et vivant, très sur le végétal […] Il a su inventer une scénographie de l’ombre et de lumière […] Un projet qui ne cherchait pas à poser un geste isolé du reste de la ville mais créer des espaces variés, reliés aux quartiers, à mettre en valeur aussi cette façade incroyable du port de la Lune. […]
Si le port a été inscrit en 2007 au Patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, au titre d’ensemble urbain exceptionnel, c’est en partie à son (M. Corajoud) travail que nous le devons »
Alain Juppé, Mairie de Bordeaux
Michel Corajoud dans l’entretien avec Sylvie Groueff en avril 2009.
[…]
SG: Vous rappelez souvint que vous avez trouvé le cahier de charges du concours extrêmement bien fait. Pourquoi? […]
MC: […]d’abord parce qu’il était extrêmement complet. Nous avions des données historiques très précises sur les quais. Au moment du concours, nous avons reçu une très grande et très lourde contenant des documents de toute nature (historiques, géographiques, des photos anciennes et récentes, des information sur l’état des occupations et du commerce notamment). Et puis le programme était très élaboré. Il donnait des directives très précises sur ce qui est aujourd’hui «l’espace a vivre», sur la place et le fonctionnement du tramway, sur la transformation des voies en boulevard urbain, sur la répartition des plateaux. Pratiquement, le programme faisait état de toute la scénographie qui est aujourd’hui en place. […]
SG: […] Vous proposez de planter les quais alors que la mémoire Bordelaise récente conservait des espaces essentiellement minéraux. Pourquoi cette proposition? […]
MC: Nous avions plusieurs raisons pour le faire. […] Nous avons remarqué que de façon récurrente et depuis longtemps, on voulait mettre des arbres sur les quais. […] ça d’ailleurs jamais réellement pris, mais pourtant, régulièrement l’idée revenait. […] Nous avons de suite ressenti qu’une de nos responsabilités était d’aider les Bordelais à accepter la mutation du port. […] Planter des arbres était pour nous le signe le plus évident de cette transformation radicale. Les arbres accompagnent presque toujours les espaces publics. […] Et enfin […] la raison sans doute la plus importante: il fallait que ce grand vide sidéral, intempérant, très dur l’été à cause de la chaleur, et très dur l’hiver aussi parce que balayé par le vent, se transforme pour améliorer son attractivité. […] Il était donc nécessaire d’aborder la question de la tempérance de ces quais en y apportant un élément qui n’y était pas. Un élément qui devait régler les alternances d’ombre et de lumière, ce que la ville elle-même fait très bien […]
SG: Mais étiez-vous conscient, parce que cette mémoire récente bordelaise était essentiellement minérale, est-ce que vous aviez l’impression de prendre un risque?
MC: Oui. […] Nous avons consciemment pris ce risque et, d’ailleurs, c’est un point qui a été longuement débattu par le jury.
SG: Vous insistez aussi, dans ce projet, sur la recherche d’un confort pour les habitants.[…]
MC: […] Dans les réunions de travail nous nous interrogions pour savoir si les carrefours que nous dessinons étaient confortables. C’est-à-dire accueillants et lisibles pour tous, y compris ceux souffrant d’un handicap. De même, la rambarde, que nous avons placée sir le bord du quai. a également fait l’objet de longues et tumultueuses discussions. […] Alain Juppé et notre équipe étions convaincus de sa nécessité car elle forme partie des éléments de confort que nous voulions introduire. […]
SG: Effectivement, votre intervention s’achevant, elle contribue à l’embellissement de la rive gauche, mais du coup, elle révèle d’autant plus la rive droite, qui devient de plus en plus présente, prégnante visuellement. Était-ce quelque chose difficile à anticiper ou pas? Et au fond, peut-on travailler le bord d’un fleuve isolément de son autre rive?
MC: Sûrement pas. Nous avons sans aucun doute fait défaut! […] C’est vrai que à Bordeaux on ne l’ai pas eue… Est-ce de la pudeur de notre part? Je ne voulais pas, avec mon équipe, jouer le rôle d’un grand conseiller de ville, touchant à tout et donnant son avis sur tout. Nous avions gagné un grand projet qui était le travail sur toute la rive gauche des quais, et nous avons fait ce travail.
[…]
Textes et images ainsi que l’entretien complet, au livre « LES QUAIS, BORDEAUX 1999-2009 » p. 129-139 à la bibliothèque du bureau.